Clarification de la rénovation énergétique des logements : une proposition de loi pour un cadre plus juste et opérationnel
La nouvelle proposition de loi sur la rénovation énergétique vise à clarifier les obligations pour les propriétaires tout en intégrant le confort d’été, dans un contexte de crise du logement et d’urgence climatique.

La rénovation énergétique du parc immobilier résidentiel est devenue un enjeu stratégique en France, tant sur le plan environnemental que social. Avec l’entrée en vigueur au 1er janvier 2025 de l’interdiction de location des logements classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE), la pression s’est intensifiée sur les propriétaires bailleurs. Face à une menace de retrait massif de biens du marché locatif, estimée à près de 600 000 logements, une proposition de loi portée par la sénatrice Amel Gacquerre entend clarifier les obligations de rénovation et en ajuster les modalités. Cet article décrypte les apports majeurs de cette initiative législative et les amendements adoptés par le Sénat.
Une réponse aux tensions entre transition écologique et crise du logement
La loi Climat et Résilience de 2021 avait posé un cadre strict en matière de performance énergétique, avec des échéances progressives jusqu’en 2034. Cependant, sa mise en œuvre concrète a révélé plusieurs zones d’ombre et difficultés d’application, en particulier pour les copropriétés ou les bailleurs confrontés à des contraintes techniques, patrimoniales ou financières.
Plutôt que de repousser les objectifs climatiques, la nouvelle proposition de loi vise à mieux les encadrer. Elle entend sécuriser juridiquement les démarches des propriétaires, tout en respectant l’ambition environnementale du législateur.
Les principaux apports du texte de loi
1. Un délai encadré pour les logements en travaux
La loi introduit une souplesse temporaire. Lorsqu’un contrat de travaux est conclu, le logement peut être considéré comme "décent", même s’il ne respecte pas encore les seuils énergétiques, à condition que les travaux soient réalisés :
- dans un délai maximum de trois ans pour les logements individuels ou monopropriétés ;
- dans un délai de cinq ans pour les logements en copropriété.
Cette disposition vise à encourager l’engagement rapide dans les travaux, sans sanctionner immédiatement les propriétaires de bonne foi.
2. Une base technique obligatoire pour les engagements de travaux
Les contrats justifiant les démarches de rénovation devront s’appuyer sur un audit énergétique, un DPE, un diagnostic technique global ou un plan pluriannuel de travaux. L’objectif est d’ancrer les obligations dans une évaluation technique précise et cohérente avec les réalités du bâti.
3. Intégration du confort d’été dans les rénovations performantes
C’est l’un des points marquants de cette réforme. Le Sénat a adopté plusieurs amendements intégrant le confort d’été comme nouveau poste de travaux dans la définition d’une rénovation énergétique performante.
Cette mesure, inspirée du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC-3), répond à un constat alarmant : 70 % des Français déclarent souffrir de la chaleur dans leur logement, et ce phénomène va s’amplifier avec la multiplication des vagues de chaleur. D’ici 2030, 21 millions de logements seront concernés par au moins 20 jours de canicule par an.
Les protections solaires, la ventilation naturelle ou les brasseurs d’air font désormais partie intégrante des pistes de travaux à envisager, en particulier dans le parcours accompagné de MaPrimeRénov’.
4. Sécurisation juridique des litiges en cours
Un amendement adopté prévoit que les nouvelles dispositions s’appliqueront aux contentieux engagés depuis le 1er janvier 2025. Les décisions déjà rendues pourront être réexaminées, sans remettre en cause les loyers suspendus ou réduits entre les deux décisions. Cette rétroactivité partielle vise à harmoniser les jugements avec le nouveau cadre législatif, tout en protégeant les parties déjà engagées dans des procédures.
5. Encadrement des baux longs pour les personnes morales
Enfin, un autre amendement prévoit qu’en cas de bail signé par une personne morale (hors SCI familiales), le logement devra être mis en conformité énergétique dans un délai de trois ans, même si le bail est conclu pour une durée supérieure à six ans. Cette mesure vise à éviter les contournements de l’obligation via des contrats de longue durée.
Une avancée équilibrée dans un contexte complexe
Cette proposition de loi ne remet pas en cause l’exigence de rénovation énergétique, mais elle ajuste sa mise en œuvre pour mieux prendre en compte les contraintes économiques, architecturales et climatiques. Elle marque également un tournant symbolique : la rénovation énergétique ne se limite plus à l’hiver et aux consommations de chauffage, mais s’ouvre aussi à la qualité de vie estivale.
En intégrant des notions telles que le confort d’été, en articulant les obligations autour de diagnostics techniques sérieux, et en offrant des délais raisonnables aux propriétaires engagés, le texte cherche à construire un cadre plus opérationnel, plus juste et plus efficace.
Prochaine étape : l’examen à l’Assemblée nationale
Si le Sénat a largement enrichi le texte, celui-ci devra encore franchir l’étape de l’Assemblée nationale. Il est probable que de nouveaux ajustements soient proposés. Toutefois, la direction générale de la réforme semble désormais claire : allier ambition écologique et faisabilité concrète, dans une logique d’accompagnement et non de sanction immédiate.
Ce texte, s’il est définitivement adopté, pourrait bien devenir une référence structurante dans la politique française de rénovation énergétique.